Texas. 1921
Elsa a 25 ans quand elle répond à Rafe qu’elle veut être courageuse.
Lui en a à peine 18, et il lui souffle à l’oreille qu’il veut juste être… ailleurs.
De son enfance, Elsa ne garde que des souvenirs de solitude, d’isolement. D’enfermement. Et de rejet. C’est l’une des blessures les plus profondes à porter parce qu’elle touche à cette question existentielle de notre place en tant qu’humain.
Tombée malade à l’adolescence, ses parents l’ont condamnée à vivre recluse dans sa chambre, avec pour seule évasion la lecture.
Son cœur, fragilisé, est marqué au fer rouge.
Et si sa maladie s’est tue depuis longtemps, c’est son âme qui criait au désespoir d’être à ce point bannie du monde.
La vraie raison, elle l’a devinée: son manque d’éclat et de beauté sont la honte de ses parents.
Pour eux, elle reste perdue au regard même d’un seul homme.
Mais son grand-père et ses paroles veillent sur elle.
Rafe sera son premier amour, le père de leurs deux enfants, Loreda et Ant.
Mais ce très jeune père rêve d’ailleurs, depuis toujours. Et la vie de famille sur la ferme familiale le brise un peu plus chaque jour.
Alors, celui de trop, il les abandonne tous.
Il part vers l’Ouest, vers cet ailleurs dont la seule pensée le dévore.
Elsa, elle, accomplit son œuvre chaque jour. Malgré les épreuves sur ces terres qui l’ont accueillie mais qui se meurent.
Anéantis par le Dust Bowl, ces tempêtes de poussière entre 1934 et 1940 et provoquées par des pratiques agricoles insuffisamment respectueuses des terrains, les sols, les cœurs et les corps dépérissent un peu plus à chaque saison.
La solution: partir. Rejoindre la Californie qui promet du travail, une vie d’abondance à reconstruire.
Vallée de San Joaquin. 1935
Une fois dépassée « la chaîne de lumière » de John Muir, Elsa et ses enfants viennent s’ajouter au nombre de migrants sur un camp de fortune. Sur un camp de misère.
Le mal du pays et ses Grandes Plaines chevillé au cœur, Elsa est héroïque.
Un jour après l’autre, elle cherche un travail pour 50 cents à peine. Pour les nourrir.
Sales, en haillons boueux ou poussiéreux, honteux, la faim tenace, ils traversent la Grande Dépression, très loin des promesses pour lesquelles ils avaient rejoint la Terre Promise.
Ils la traversent avec ce courage dont Elsa elle-même ne s’était jamais sentie capable et qui a pourtant fait de ses enfants des survivants.
Indéniablement, ce roman restera le plus éprouvant de ce début d’année.
Les personnages sont fictifs mais l’Histoire bien réelle et accablante.
Depuis la ruée vers l’or et les Pionniers encore avant, jamais autant de personnes n’avaient rallié la Californie. Et pour beaucoup, elle n’a pas tenu ses promesses. La misère n’est pas moins pénible au soleil…
C’est un pan de l’Histoire qui, finalement, trouve une continuité dans cette actualité qui fait trembler.
Je remplace volontiers les livres d’Histoire contre ce roman, et tant d’autres. Parce que c’est un témoignage vivant et vibrant qui n’élude rien des tragédies humaines.
Merci à toutes les Elsa pour le courage qu’elles ne pensaient pas avoir.